LA FALAISE, DE HAUT EN BAS...

Flashback au soir du 22 novembre 2017 lors du lancement de mon premier album solo, “l’inévitable…”. J’avais décidé, contre toute logique, d’inclure dans ma prestation une toute nouvelle pièce (sans titre…et qui n’apparaissait pas sur l’album que je lançais!). Fatalement, j’ai eu un peu de difficulté à la jouer correctement et je me suis dit après coup: ”non mais quelle idée stupide”!  Et bien, aussitôt le set terminé, un ami (le chercheur Greg De Crescenzo) s’avance vers moi et me lance: “j’ai bien aimé cette pièce…tu devrais l’appeller…“la falaise”!!! Ça m’a évidemment réconforté, et c’est resté comme ça. 

Durant les mois et les années qui ont suivi, j’ai continué à composer, improviser et enregistrer du piano. Vers 2019, j’avais plus ou moins décidé qu’il y aurait un deuxième disque consacré au piano seul. Le morceau “la falaise” (le titre avait collé!) s’était rapidement établi comme un favori parmi ma famille et mes amis proches, et serait certainement sur le disque. Quand l’album a été terminé et que je cherchais à établir la meilleure séquence des pièces…”la falaise” était inévitablement en ouverture…Pourtant, je ne l’avais pas vraiment considérée pour le titre!  

Comme l’album comporte une majorité de morceaux improvisés, je penchais plutôt pour l’un d’eux comme pièce-titre. L’une des impros s’intitule “le chemin”, et me rappellais la phrase d’un poème d’Antonio Machado: “Il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant…”  C’est une métaphore idéale du processus d’improvisation! (voir ma publication précédente portant sur l'impro) D’ailleurs, j’ai placé cette citation à l’intérieur de la pochette…et pourtant!  Un petit remue-méninge familial a scellé la chose: l’album s’intitulerait finalement …vous-savez-quoi! 

Depuis des siècles, de Douvres à Tadoussac, de Gibraltar à Dubrovnik, on épiait les océans du haut de ces promontoires, afin d’anticiper l’arrivée de l’ennemi. Les femmes de marins partis en mer y scrutaient  sans fin l’horizon, espérant, souvent en vain, voir réappaitre le navire de l’être aimé, du père de famille. Des sacrifices humains aux suicides, ce sont des lieux où vie et mort se sont jouées depuis toujours… 

Sur une note moins dramatique, et bien que je ne sois pas le plus grand des voyageurs, je ne vous surprendrai pas en disant que mes plus beaux souvenirs incluent les hautes dunes de Cape Cod, les Seven Sisters du sud de l’Angleterre, la falaise d’Étretat en Normandie et les iles Saintes de Guadeloupe. Et que dire de ces séries télé captivantes : The Cliff, Broadchurch, Picnic at Hanging Rock, Poldark! 

Pour terminer, une petite anecdote. Il y a quelques années, en visite à Cape Cod (tiens, tiens), nous sortions assez tard d’un resto de Wellfleet. La voiture est tout au fond d’un stationnement mal éclairé, entouré d’arbres. Ayant oublié de visiter la salle de bain avant de quitter,  je décide qu’un petit pipi derrière un arbre me fera le plus grand bien avant de prendre la route. Un seul pas derrière le premier arbre…et le sol se dérobe sous mes pieds. Je fais une chute, tête première, dans la noirceur complète et me retrouve une dizaine de mètres plus bas. La poitrine me fait très mal, mais je parviens péniblement à m’aggriper à quelques branches et je remonte peu à peu alors que j’entends des appels inquiets tout en haut. J’ai sans doute quelques côtes cassées mais somme toute, ça va! Le lendemain, nous retournons (ouch, ouch) sur les lieux du crime (!) en pleine clarté, afin de tenter de retrouver mes lunettes éjectées dans ma chute. En regardant (prudemment cette fois), puis en descendant très lentement, je rejoins l’endroit ou, de toute évidence, ma chute s’était arrêtée: à quelques centimètres des branches écrasées se trouvent de grosses roches, blocs de ciment et toutes sortes de ferrailles coupantes..un dépotoir! Je n’ai pas retrouvé mes lunettes, mais j’avais eu la vie sauve…de très peu.  La falaise, la vie, la mort, j’vous le dit! 

Et merci encore, cher Greg, d’avoir eu ce beau flash!

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